Fait divers
15 janv. 2024
L'escroquerie au faux Brad Pitt et la négligence grave de la victime : un rempart pour les banques ?
Maître Lyron Nataf
Avocat à la cour
Concerné par une fraude bancaire ?
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L'histoire pourrait prêter à sourire si elle n'était pas tragique. Une Française, convaincue d'échanger avec la star hollywoodienne Brad Pitt, a effectué d'importants virements avant de réaliser qu'elle était victime d'une escroquerie. Ce type d'arnaque sentimentale, de plus en plus répandu, soulève une question juridique essentielle : la banque doit-elle rembourser la victime ? L'article L.133-18 du Code monétaire et financier (CMF) prévoit un remboursement, sauf en cas de "négligence grave" du titulaire du compte. Mais qu'entend-on par négligence grave et qui doit en apporter la preuve ?
L'article L.133-18 CMF : une protection relative pour les victimes de fraude
L'article L.133-18 du CMF impose aux banques de rembourser les opérations de paiement non autorisées, sauf si elles peuvent démontrer que la victime a fait preuve d'une négligence grave ou a agi frauduleusement. Cette disposition vise à protéger les clients tout en leur imposant une responsabilité minimale dans la gestion de leurs transactions.
Dans le cadre d'une fraude, la charge de la preuve repose donc sur la banque : c'est à elle de démontrer que le titulaire du compte a manqué à ses obligations de prudence. Sans cette preuve, la banque doit procéder au remboursement.
La notion de négligence grave : une arme pour les établissements bancaires
La jurisprudence a eu l'occasion de préciser cette notion de négligence grave. Il s'agit d'un comportement manifestement imprudent, allant au-delà d'une simple erreur d'appréciation. Par exemple, la communication d'informations sensibles à un tiers ou l'absence totale de vigilance face à des signaux d'alerte peuvent être retenues contre le client.
Dans le cas présent, la victime a procédé à des virements volontaires en pensant échanger avec une célébrité. Or, plusieurs indices auraient pu la mettre en garde : la nature des demandes financières, l'absence de rencontre physique, ou encore le mode opératoire rappelant les escroqueries sentimentales classiques. Une banque pourrait ainsi arguer qu'une personne raisonnablement prudente n'aurait pas effectué ces virements et que la victime a donc fait preuve d'une négligence grave. Toutefois, c'est à la banque de prouver que la victime a adopté un comportement anormalement imprudent.
Quelle protection pour les victimes ?
Si la reconnaissance d'une négligence grave prive la victime de tout remboursement par sa banque, les autres recours restent limités. Une plainte contre l'escroc peut être déposée, mais les chances de succès sont souvent incertaines en raison de l'anonymat des fraudeurs et de la difficulté à les localiser.
En conclusion,
L'affaire du faux Brad Pitt illustre un cas où la négligence de la victime semble évidente : des virements répétés vers un inconnu prétendant être une star de cinéma sont difficilement défendables. Cependant, dans de nombreuses autres situations, les victimes de fraude n'ont pas été négligentes et ont été piégées par des escroqueries sophistiquées. Il est alors essentiel de rappeler que c'est à la banque de prouver la négligence grave et que, à défaut, elle doit procéder au remboursement. Souvent, les banques tentent de se fonder sur une prétendue négligence grave de la victime alors qu’il n’en n’est rien. Si vous ou un de vos proches avez été victimes d’une fraude, consultez un avocat dans les plus brefs délais afin de préparer une défense adaptée.